Discours de Jean Paul LUCE lors de l'audience solennelle de rentrée du 13 janvier 2012

Publié le par Conseillers prud'hommes cgt de Montpellier

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En préambule à mon propos, je tiens avant tout à vous présenter tous mes meilleurs vœux pour cette année 2012.


Je tiens à remercier très sincèrement tous les conseillers salariés qui m'ont élu président du Conseil de prud'hommes de Montpellier ainsi que mon organisation syndicale pour son entier soutien.

Merci également à toutes les personnalités, magistrats et avocats présents à cette audience solennelle. Votre présence témoigne de l'intérêt que vous portez à notre juridiction.

Le devenir des Conseils de prud'hommes est plus que jamais en très grand danger et les mesures visant à déstabiliser cette justice si caractéristique se sont multipliées lors de l'année écoulée.
Après avoir subi la suppression de 61 Conseils au niveau national, ce qui contribue à éloigner la justice du citoyen et du justiciable, après avoir subi la limitation du temps de rédaction imparti aux conseillers prud'homaux, au mépris de l'égalité de traitement entre les différentes juridictions et de la qualité des jugements rendus, 2011 nous a apporté de très mauvaises nouvelles provenant de la chancellerie.
Un projet de réforme vise à remettre en cause l'élection des conseillers au suffrage universel, l'oralité de la procédure est elle même contestée, la tentative d'introduire la médiation conventionnelle dans la procédure prud'homale contribue à démanteler celle ci. Sur ce point, la médiation existe de fait lors de la conciliation, il appartient au conseiller prud’homal de la faire vivre. Et enfin, depuis le 1er octobre 2011, une grave atteinte a été portée au principe de la gratuité de la justice prud'homale par l'obligation d'affranchir tout enrôlement par un timbre fiscal d'un montant de 35 €. Cet obstacle supplémentaire à la saisine des Conseils de prud'hommes est particulièrement inacceptable concernant le règlement des contentieux qui opposent les salariés à leurs employeurs, notamment lorsque les salariés réclament des salaires échus, demandent la production de leurs attestations Pôle Emploi, voire leurs certificats de travail.
Cette fiscalisation de la procédure est particulièrement inéquitable lorsque l'on sait que 99 % des demandeurs en matière prud'homale sont les salariés, le plus souvent privés d'emploi et de leurs salaires depuis plusieurs mois. La nocivité de cette mesure commence à se faire sentir dans les chiffres. Moins d'affaires ont été introduites en référé depuis le 1er octobre 2011 sur le Conseil de Montpellier.
En appauvrissant les prérogatives des conseillers prud'homaux, en subordonnant toute action en justice au paiement d'une taxe, en ne donnant que trop peu de moyens à la justice, les pouvoirs publics entravent volontairement l'accès au juge.

Je soutiens ici que les prud'hommes sont indispensables dans le paysage judiciaire et social. Ils ont fait et font la preuve de leur efficacité dans un monde du travail difficile où l’expérience des acteurs de ce monde est autant nécessaire qu’indispensable. Derrière cette dégradation exercée par le pouvoir, se dessine une question politique de fond:
Faut-il encore une justice du travail en France, assurée par des salariés et des employeurs élus à partir de listes syndicales ou celle ci doit-elle évoluer vers une justice exclusivement professionnelle?
Au regard des attaques redoublées portées à la justice prud'homale, il est à craindre que les pouvoirs publics n'aient opté pour l'exclusion des représentants salariés et patronaux issus du monde du travail.

La prud'homie est pourtant légitimée par notre histoire sociale. Elle est un régulateur social indispensable. Elle bénéficie du soutien unanime des organisations syndicales et professionnelles représentées dans les Conseils de prud'hommes.

Il faut impérativement aujourd'hui:
–obtenir des assemblées parlementaires, dans les meilleurs délais, à l'occasion des prochains débats budgétaires, l'abrogation de la taxe de 35 €
–défendre la gratuité de la procédure prud'homale afin de permettre à toute personne, sans condition de revenu, de saisir son juge lorsqu'elle estime que ses droits n'ont pas été respectés
–de renforcer le rôle, l'autorité et les moyens de fonctionnement de la justice prud'homale
–de s'opposer à toute atteinte à sa pérennité. Il en va du devenir de notre juridiction.

Au niveau local, le Conseil de prud'hommes de Montpellier a subi de sérieuses turbulences lors du dernier trimestre 2011.

Lors de mon discours de vice président en janvier 2011, j'avais appelé l'ensemble des conseillers à faire preuve de responsabilité. Cet appel n'a malheureusement pas été suivi par l'ensemble des conseillers et je ne peux que le regretter.

Je souhaite que 2012 voit le Conseil reprendre la voie d'un fonctionnement optimal, où les conflits de personnes et d'intérêts ne prennent pas le pas sur l'essence même de la prud'homie, qui est de dire et d'appliquer le droit.

Le socle de notre réflexion commune, qui est le Code du travail et le Code de procédure civile, relève de la représentation nationale et il ne nous appartient pas à nous, conseillers prud'hommes, de le contester mais seulement de l'appliquer.

Je rappelle encore une fois, comme je l'ai déjà fait l'année dernière, que si une difficulté survient lors d'un délibéré, la décision de départage ne peut être fondée que sur une interprétation du droit et non pas sur son application.

Au niveau des statistiques, pour l'année 2011, le Conseil de Montpellier a vu son stock diminuer de 200 affaires.

2294 affaires ont été jugées, hors désistements.

Les départages ont diminué de 20 % environ, passant de 320 à 240, et nous ne pouvons que nous féliciter de ce résultat.

Cela équivaut à un taux de 11 % de départage en 2011. A titre de comparaison, ces dernières années, le taux national de départage est de 18%.

L'attribution par les chefs de Cour, et je les en remercie, d'un 2e juge départiteur durant quelques mois nous permet actuellement de réduire les délais de départage mais cela ne doit pas avoir un effet incitatif. 

En ce qui concerne le personnel du greffe, il est de mon devoir de dénoncer une nouvelle fois le manque criant d'effectif, ce qui nuit au bon fonctionnement de notre Conseil.

Il y a aujourd'hui 1,80 ETP de greffiers en chef, 4,70 ETP de greffiers et 2,80 ETP d'adjoints administratifs, ce qui correspond  à 9,30 ETP.

Dans les Conseils de prud'hommes équivalents à celui de Montpellier, le nombre de greffiers est sensiblement plus important et, par rapport à l'activité de notre juridiction, l'outil greffe prévoit 15,36 ETP.

D'ores et déjà, il serait impératif que notre Conseil fonctionne avec au moins 13 agents ETP, soit 3,70 ETP supplémentaires par rapport à la situation actuelle. Car seule la présence d'agents temporaires permet au Conseil de fonctionner.

Voilà une année que notre juridiction est installée dans cette nouvelle cité judiciaire.


Nous pouvons constater aujourd'hui que ces nouveaux locaux s'avèrent agréables et fonctionnels.

Cette année 2011 a également vu l'arrivée d'un nouveau directeur de greffe que je tiens à saluer en ce jour, tout comme je tiens à souhaiter une bonne retraite à son prédécesseur.

Je vous invite maintenant à nous retrouver autour d'un verre afin de débuter cette nouvelle année de la meilleure manière qu'il soit.

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